Au fil des douze dernières années que j’ai passées à traverser diverses disciplines dites artistiques, j’ai pu observer, expérimenter une réflexion qui dépassait toujours l’application concrète du résultat de la démarche de création (c’est à dire « l’œuvre » elle même), l’abstraction me sautait au visage, elle m’attendait toujours au détour d’une pensée, elle surgissait inévitablement, une évidence qui absorbait chaque tentative de mouvement, chaque forme, chaque couleur, chaque médium… c’est pourquoi je considère que chaque produit issu de mes travaux plastiques n’est qu’un questionnement, une expérimentation, et non une fin en soi.
Lors de mes études pour devenir professeur de danse contemporaine j’ai entamé une réflexion à travers la rédaction d’un mémoire sur la notion de temporalité comme abstraction philosophique dans la danse contemporaine, qui a été une excitante amorce au processus de pensée qui allait me fasciner pour les années à venir, mais aussi me confronter aux limites du corps comme œuvre physique ou outil de réalisation de l’oeuvre physique, puis aux limites des matériaux comme représentants du processus de pensée lorsque j’allais expérimenter à travers la matière plastique… quelques soient les médiums explorés, les mêmes questions et les mêmes apories surgissent, la réflexion philosophique et métaphysique qui est la mienne mène inévitablement à des abstractions, glissements et disparitions, je suis sans cesse happée hors de la matière ou, du moins, si je parviens à y demeurer c’est en la considérant au sens quantique comme fournaise d’informations et d’images, énergie fluctuante et changeante selon l’observateur, donc instable.
Je travaille actuellement sur la transformation de cette matière, de ses textures à partir d’objets existants fondus, mis sous vide, assemblés, dissimulés; je considère ma pratique artistique comme une série d’expérimentations et d’observations, mais la part la plus présente reste la réflexion sur la création elle-même avant même son entrée dans la matière.
Je m’interroge alors sur les étiquettes nominatives les plus justes, méta-artiste (selon l’idee d’Adrian Piper)? Praticien chercheur (selon l’ENDA)? Raisonnement métapoïétique plutôt qu’esthétique? La philosophie de l’art pose souvent ces questions, et les concepts demandent à évoluer, autant que les pratiques qui en découlent.
C’est pourquoi je choisis aujourd’hui de poursuivre ma démarche en tant qu’artiste chercheuse, afin d’étudier fondamentalement l’art, la matière et son abstraction.